La viande produite en laboratoire fait de plus en plus parler d’elle. A l’heure où l’élevage intensif et la consommation de viande sont à leur paroxysme, des alternatives doivent être trouvées car ce n’est plus tenable, tant au niveau environnemental que sanitaire. Est-ce que cette viande « in vitro » est la solution de l’avenir ? Voici quelques éléments de réponse.

Comment est-elle produite ?

Pour produire cette viande, il faut tout d’abord prélever des cellules souches musculaires d’un animal (une vache, par exemple). Ensuite, il faut les mettre en culture dans un bioréacteur de laboratoire  afin qu’elles se multiplient jusqu’à obtenir un hamburger entièrement composé de « viande ». Pour que les cellules se développent de façon optimale, un sérum (le plus souvent provenant d’un veau fœtal) est utilisé pour le milieu de culture afin d’apporter les hormones et les facteurs de croissances nécessaires.

Quel est le but ?

Les objectifs de cette viande cultivée en laboratoire sont multiples.

– Réduire les émissions de CO2 ;

– Réduire la consommation d’eau ;

– Libérer davantage de terres cultivables ;

– Ne plus avoir besoin de tuer des animaux.

Néanmoins, de gros progrès doivent encore être réalisés. Le premier burger (créé en 2013) a couté pas moins de 250 000€. Depuis lors, les avancées technologiques ont permis de réduire considérablement ce coût, même s’il reste encore assez élevé. Par exemple, en 2019, le coût de production d’un nugget de poulet était estimé à 50 dollars.

Le bien-être animal doit être une des priorités peu importe la méthode de production.

Trop beau pour être vrai ?

Les objectifs sont évidemment alléchants mais sont-ils réalistes ?

Pour faire fonctionner les infrastructures nécessaires à la production de cette viande cultivée, il faudrait utiliser énormément d’énergie. Cette dernière pourrait donc avoir un impact négatif considérable sur les émissions de gaz à effet de serre.

Une partie non négligeable du matériel pour cette culture serait faite de plastique à usage unique. Nous connaissons déjà tous la problématique de la pollution engendrée par tout ce plastique. Dans ce cas-ci, cela contribuerait à amplifier ce phénomène destructeur.

Enfin, pour produire le sérum de veau fœtal, l’abattage de vache gestante est nécessaire. Des animaux devraient donc toujours êtres tués pour produire cette viande «in vitro». Actuellement, de nombreuses « start-up » travaillent sur l’élaboration d’un milieu de culture sans sérum de veau fœtal. Le coût reste néanmoins beaucoup plus élevé. De plus, cela nécessiterait la mise en place d’une industrie parallèle pour synthétiser en grandes quantités tous les facteurs hormonaux nécessaires.

Nous voyons donc que l’impact environnemental de la viande de culture n’est pas anodin et reste très important.

Que sait-on sur sa qualité nutritionnelle ?

La viande de laboratoire n’est, au final, qu’un amas de cellules musculaires qui se multiplient dans des boites de Pétri. Nous sommes donc loin d’un vrai morceau de viande qui contient des fibres organisées, des vaisseaux sanguins, des nerfs, du tissu conjonctif et des cellules adipeuses. Or, ce sont tous ces éléments qui confèrent à la viande ses qualités nutritionnelles, en particulier le fer héminique facilement assimilable, la vitamine B12, les divers acides gras ainsi que tous les autres micronutriments naturellement présents. Il faudrait donc ajouter artificiellement ces nutriments pour que cette viande « in vitro » puissent être un minimum intéressant sur le plan nutritionnel.

Conviendra-telle à tout le monde ?

Est-elle destinée aux végétaliens ? Ces derniers refusent de manger tout ce qui provient d’un animal (mort ou vivant). Cela semble donc peu probable que ceux-ci y adhèrent puisque cette viande proviendrait, à la base, d’un animal.

Est-elle destinée aux végétariens ? En théorie, elle pourrait leur convenir puisque cette viande ne viendrait pas d’animaux abattus (sauf pour le sérum). Néanmoins, il s’agit quand même de viande, donc chaque végétarien devra se poser la question s’il estime que celle-ci est moralement acceptable pour lui ou pas.

Est-elle destinée à tous ceux qui aiment manger de la viande ? Voilà le vrai public cible : les mangeurs de viande. Il s’agit ici d’un tout nouveau marché qui pourrait rapporter gros. Le but de ces « producteurs » de viande cultivée en laboratoire est de remplacer la « vraie » viande par leur alternative. Le gros challenge pour eux est triple : ils doivent trouver la même texture et le même goût que la viande actuelle et le tout pour un prix similaire.

Les « grands » investissent massivement

Le développement de ce nouveau business intéresse de nombreuses personnes et groupes industriels. Ces derniers ont bien conscience que le marché de la vraie viande est presque à son maximum. Ils doivent donc trouver une alternative pour se diversifier et continuer de croître.

La start-up américaine « Memphis meats » (spécialisé dans la production de viande en laboratoire) a réussi à lever 22 millions de dollars grâce à plusieurs investisseurs dont Bill Gates et Richard Branson.

Sergey Brin, un des co-fondateurs de Google, a investi dans « Mosa meat », une start-up néerlandaise qui développe également de la viande « in vitro ».

PHW, l’un des plus grands producteurs de volailles en Europe, s’est associé à la start-up israélienne « Supermeat », également spécialisée dans la culture de viande en laboratoire.

Unilever et Nestlé travaillent également sur les alternatives végétales aux hamburgers ou aux autres types de viandes depuis plusieurs années maintenant.

Singapour est le premier pays à avoir autorisé la vente de viande de laboratoire. Cela n’est pas anodin. Ce pays importe 90% de ses produits alimentaires. La viande « in vitro » pourrait le rendre plus indépendant. Il y a donc tout intérêt à promouvoir ce genre d’alternative.

Bill Gates estiment que les pays riches devraient passer à du boeuf 100% synthétique.

Finalement, qu’en penser ?

La viande produite en laboratoire doit encore nettement s’améliorer. Pour le moment, elle ne peut pas concurrencer la vraie viande, ni au niveau du goût et de la texture, ni au niveau du prix.

Du point de vue environnemental, la viande « in vitro » ne fait pas mieux non plus. Une grande quantité d’énergie est indispensable pour faire tourner les infrastructures et des animaux doivent toujours être abattus pour obtenir le sérum de veau fœtal.

Au niveau nutritionnel de grosses lacunes subsistes également. En effet, la viande cultivée ne contient pas tous les nutriments de la viande traditionnelle, si ce n’est en les rajoutant artificiellement.  Des progrès notables sont aussi à faire sur ce plan-là.

Un monde sans viande (peu importe la provenance) est encore très loin d’être à l’ordre du jour. Néanmoins, nous devons agir d’une manière ou d’une autre pour améliorer les choses.

Il convient donc de trouver un équilibre entre la consommation de viande, un meilleur respect des animaux et de l’environnement. Manger de la viande devrait se faire « intelligemment ». C’est-à-dire que nous devrions en manger pour l’intérêt nutritionnel qu’elle peut nous apporter et pas juste pour le plaisir. Pour ce faire, il faudrait donc se tourner vers la viande de qualité, provenant le plus souvent des circuits courts dont les éleveurs sont soucieux des animaux qu’ils élèvent.

La viande que nous mangeons devrait répondre au moins à ces 3 critères :

– Etre la moins transformée possible ;

– Les animaux devraient majoritairement être nourris en respectant leur nourriture « originelle » ;

– Les animaux devraient avoir l’espace suffisant pour vivre et se déplacer à leur aise.

Ainsi, la viande contiendrait davantage de nutriments intéressants pour notre santé. Nous la payerions plus cher mais en consommerions moins.